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Je ne parle que par images... Il faut chercher le fil d'Ariane. Humm oui, le retrouver, ce n'est pas gagné. Mais enfin, bonne route ! S'il en est ... 

     

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14 septembre 2012 5 14 /09 /septembre /2012 11:05

  Je suis tombée sur cet ouvrage à cause (ou grâce) à son sous-titre – à savoir : Essai de démonologie.

image l'opprobreIl ne s’agit pas ici de démonologie  classique, telle  qu’elle s’est constituée à la fin du moyen-âge, ni telle qu’elle s’est déchainée à le Renaissance sous l’impulsion inquisitrice (cette débandade de bûchers, de chasseurs de démons, de procès en sorcellerie ou autres hérésies). Non, il s’agit là d’un essai de démonologie contemporaine. Les démons y sont tout autre… Autant dire qu’il s’agit d’une démonologie subjective, intimiste, narcissique, à l’image de nos cultes et idolâtries modernes, ou postmodernes.    

 

 Le dieu de Richard Millet ? – Une certaine idée de la langue, de la forme en soi, du goût, de la littérature, et de leur dimension « sacrée ». Les démons de Richard Millet ? – L’évanescence, le relativisme, l’hybridation, l’informe… Le genre de  son livre ? – Un recueil, disons. Recueil de maximes et de réflexions retranscrites sur un ton qui rappelle celles de Nietzsche. Certes, on a surtout décrit l’œuvre comme une réaction amère, plaintive et injurieuse face aux critiques qu’il avait reçu pour l’ouvrage précédent (quelque chose comme « La décadence de la littérature », il me semble). Et lui-même se montra alors dans les médias comme un pauvre petit homme, blanc, hétérosexuel, auteur incompris, publié chez Gallimard… Et d’ajouter qu’il n’avait rien pour lui, perdu qu’il était dans le tournoiement et les cris des minorités revendicatrices, muticulturalistes, bisexuelles, cosmopolites, obsolescentes –  face auxquelles il ne reste guère que la réclusion au désert… On a souligné certains commentaires de Millet sur la laideur de la démocratisation des peuples, l'envahissement islamique (qu'il juge vide et purement réactionnaire face à l'hégémonie mondialisante), son regard indifférent sur une Afrique disgracieuse (excepté l'Ethiopie pour sa chrétienté), une nostalgie des origines, une obstination à discerner des races, des peuples et des cultures… On en a conclu à un livre raciste, décadent, réactionnaire et vain. Mais malgré l’ambigüité de cet ouvrage (dont le champ sémantique est tout rempli d’ennemis, de démons, de malins, d’adversaires et de diablotins déguisés en moralistes de l’ouverture et de l’altérité), Richard Millet ne cesse d’interpeller cette altérité et de dénoncer sa dislocation dans les processus qui la magnifient. Car ce n’est pas à l’autre, ni à l’étranger qu’il s’en prend, mais bien à l’informe, à celui qui empêche cet autre d’advenir, parce que tout est déjà malaxé et dissout en tout, et que la multitude apparente renvoie toujours à la même mixture aliénante, indéfiniment resservie dans différentes gamelles. Or Millet s’obstine à prendre un ton et des postures qui flirtent dangereusement avec les seuls tabous de notre époque (rejet de l’hégémonie mondialiste, mouvante et multiforme), de sorte qu’à force de voir le diable partout, c’est lui-même qui finit diabolisé. Le plus étonnant, c’est que cela ne l’étonne pas, et qu’il entre allègrement dans le rôle qu’on lui donne, quitte à perdre de vue la réalité du sujet abordé.

 

  Si le sujet ne peut être abordé par un homme, blanc, mûr, hétérosexuel, auteur chez une maison  prestigieuse, sans que l’opprobre ne lui tombe dessus, peut-être la chose sera-t-elle plus aisée à une femme, jeune, métisse, publiée par un escroc dépourvue de ligne éditoriale qui ne vise que le plus grand nombre… En effet, cet obscur livre (illustré ci-dessous) : La machine démonologique, aborde le même sujet. Sous un autre angle, cependant... 

image livreL’ouvrage s’ouvre sur une histoire de la démonologie, ou plus précisément, une histoire du démon à travers les âges et les religions. Et comme le démon (sauf quand il n'est qu'illusion) n’est qu’un ange inversé, un symbole étranger, une divinité moribonde (dieux déchus, anciens, lointains, voire même, à venir), il n'est jamais dénué de confusion… Après avoir croisé, l’ange de Jacob, le Satan de Job, le tentateur du désert, la Lilith, l’Empousa, Prométhée (ou autres démiurges prométhéens), le Mara bouddhiste, les dévas, les asuras, l’Iblis de l’Islam, les serpents maléfiques et les serpents sacrés de moult et moult peuples, nous finissons par revenir à notre démonologie moderne (après un petit détour par les idéologies du XXème siècle, et quelques portraits fleuris d’Hitler, Staline ou Mussolini). Il arrive donc un moment où le démon cesse d’avoir une figure. Il n’est plus que mouvement, fulgurance, nébuleuse, absolue virtualité… Et dès lors : gare à celui qui osera critiquer cette nébuleuse, car elle n’en garantit pas moins une certaine liberté d’échange et d’expression. C’est vrai. Mais il semble qu’elle interdise du même coup toute structuration en profondeur…La machine démonologique étant le livre d’une inconnue sans lustre ni prestige, l’accent y est mis sur la documentation. L’auteur ne dit jamais rien sans révéler ses sources, extraire, citer, noter et référer. Au bout du compte, on découvre que bien d’autres auteurs de divers horizons (sociologues, théologiens, économistes, philosophes, psychologues, essayistes, romanciers) se sont attaqués au sujet, cherchant à débusquer, ce démon, cet informe ou cet autre, mais que jamais ils ne lui donnèrent le même nom. C’est pourquoi, il convient mieux d’examiner la machine en elle-même, plutôt que les représentations qu’elle produit d’âge en âge…Même combat que monsieur Richard Millet ? Non, ou bien… Un autre angle d’attaque, assurément. Infiniment autre.

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19 septembre 2010 7 19 /09 /septembre /2010 19:25

C'est trop gros, c'est absurde, et néanmoins on se demande quelle obscure intuition est à la base de tout ceci... Je parle de l'univers de Nicolas Gogol. Et plus particulièrement de l'une de ses nouvelles : "Le Nez", parue pour le première fois dans une revue littéraire en 1836.

Adolescente, je me souviens d'être restée stupéfaite par ce genre d'humour, riant toute seule dans ma chambre d'un rire inquiétant...

Je ne parlerai pas ici des "Ames mortes", sa grande oeuvre inachevée, ni vraiment des autres nouvelles de Petersbourg. Je parlerai surtout du Nez, parceque c'est sans doute la plus outrancière de ses historiettes, la plus énigmatique (quoique, la plus évidente, dès lors qu'on en découvre le code).

le nez, de gogol

C'est l'histoire d'un fonctionnaire russe qui se réveille sans son nez, tandis que son barbier découvre le membre en question dans un pain chaud, à l'heure du petit déjeuner. Après que le barbier ait tenté de se débarasser de ce nez impensable dans la Néva, notre petit fonctionnaire mutilé croise et reconnait aussitôt son membre intempestif à l'échelle humaine, arborant la plus digne posture, vêtu d'un bel uniforme orné de dorures. Le Nez feint l'indifférence aux yeux du reste de son corps et lui file sous le (...) en quête d'une existence indépendante.

 

Arrêtons-nous un instant sur ces mots, et divaguons... Oui, divaguons sur ce nez dont la fonction initiale nous ramène au flair, à la prédation et l'instinct de conquête, et qui symbolise assez explicitement l'ambition du petit fonctionnaire qui se retrouve honteusement privé de la partie de son corps la plus évocatrice... Ou bien... Hum... Certes, certes, on eût pu lui substituer un autre organe, mais c'eût été vraiment trop grossier.

Bref, cette partie qui s'échappe et jette son "propriétaire" dans le plus grand trouble (sans parler du ridicule), finit quand même par reprendre sa place, on ne sait comment, sur le visage du fonctionnaire, qui retourne alors fièrement chez le barbier pour s'y faire pomponner. Fin de l'histoire. Mais quelque chose est dit. Voilà donc le soupçon lancé quant à l'hypothétique subdivision d'un corps, et le règne momentané d'un organe insolent, soudain trop grand pour être contenu dans cet être mesquin.

Qu'on lise cette petite histoire à la lumière de la grande (Histoire) car il nous est désormais impossible de croiser autre chose que des nez, des prunelles, des canines, des pénis, des mamelles, des nombrils et des fessiers, dans notre société où rien ne tient longtemps lié. Mais j'arrête ici mes élucubrations sur ce thème.

 

D'autres nouvelles, il est vrai, me laissent sans voix et sans explication. Que penser du "Journal d'un fou" par exemple ? Je me souviens de cette étrange mise en abyme, où le fou en question relate dans son journal le vol d'un autre journal intime (commis par lui) dont il note les grandes lignes dans son propre journal. Le larcin vise la prose d'une petite chienne de compagnie -- journal dont il remarque avec dégoût le sytle canin... La petite chienne est celle de la fille de son employeur. Là encore, on notera explicitement l'ambition du personnage qui finit interné, persuadé d'avoir été sacré roi ou empereur. Passons.

 

Je note aussi que cet humour se retrouve à plus ou moins hautes doses dans la profondeur des grands romans russes.  Est-ce dû à l'atmosphère particulière de cette contrée où se croisent tant de peuples ? Je l'ignore... Il y a une scène intéressante dans "Les possédés" de Dostoïevski, où le jeune Nicolas Stravoguine saisit soudain par le nez un digne notable au sein d'une noble société, et lui fait faire plusieurs tours de salle sous les yeux horrifiés de la foule, le traînant pensivement de la sorte après lui. (Le vieil et digne notable avait eu le malheur de dire au cours d'une discussion : "je ne suis pas de ceux qu'on mène par le bout du nez")... Mais c'est là autre chose, peut-être, que cet imaginaire gogolien... Quoique... Même dans la tragique "Anna Karénine" de Tolstoï, on se retrouve soudain assailli par une perception d'un autre genre, pas tout à fait comique, et pourtant infinement décalée. Ici, je pense à la scène où Tolstoï donne tout naturellement la parole à la chienne de Lévine : Laska, qui nous éclaire alors de ses impressions sur une partie de chasse aux bécasses, sans pour autant que ce bref monologue intérieur fasse basculer le roman dans l'absurde.

Je finis cet article sur un constat d'enrichissement de la langue par cet adjectif  (gogol ou gogilien) qualificatif de folie (mais n'est-ce point de la lucidité ?) en supposant que chaque individualité est susceptible de laisser sa marque telle qu'elle est apparue dans l'agencement de nos codes communicationnels.

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16 juillet 2010 5 16 /07 /juillet /2010 14:24

 La sorcière de Michelet Je viens de relire La sorcière... Paru en 1862, ce livre fut la première étude historico-psycho-sociologique à expliquer la naissance et les métamorphoses de cette femme (je dis cette femme, car Jules Michelet ne voit dans les sorciers mâles que de pâles simulateurs ou d'habiles illusionnistes). Assez mal accueilli à l'époque, le livre mérite pourtant l'attention.

Michelet pose son décor d'ouverture au moyen âge. Il nous présente d'abord une jeune femme, une serve maigrelette, prôche de la nature, encore fidèle à l'ancienne religion. Ces dieux passés, elle les cache dans son coeur, au pied des arbres, aux sources, dans un coffret près de son lit où veille le lutin du foyer... Elle charme et guérit déjà, mais nul maléfice là dedans. Ce n'est que la survivance des croyances anciennes, la transmission des mystères de la nature de mère en fille. Or cette nature est déjà diabolique aux yeux de l'Eglise. Elle inquiète, mais nombre d'anciens dieux seront intégrés à la communauté des saints, tant le peuple tient à sa mémoire.

 Dans la suite de l'ouvrage, nous retrouvons notre petite sorcière (si voisine de la fée) humiliée, enlaidie par les famines et les grandes vagues d'épidémie, abandonnée de son époux, enfuie à travers la lande ou la forêt, le coeur gros de rage et de rancune. Elle aperçoit soudain le remède et le poison, unis au sein d'une même herbe -- juste une question de dosage... Elle parle maintenant avec les morts et les démons. Elle devient le dernier secours des lépreux, des pestiférés, des filles perdues. Elle vit seule, affranchie, mais elle effraie. Et chaque fois qu'elle use de son pouvoir (à tort ou à raison), elle risque gros. C'est la révoltée. Une victime qui se prend soudain à jouer au bourreau.

Le diable est invoqué, parceque Dieu semble être dans le camp des princes avides, du cruel seigneur ou du prêtre hypocrite qui répond : "souffrez pour le salut de vos âmes" au malade qui vient réclamer de l'aide.

 

esprits de la nature

 

 Encore plus tard, nous retrouvons le Diable lui-même installé dans les couvents et les monastères. Un petit peuple de femmes s'y languit et s'y entretue pour l'amour de leur confesseur (le seul homme qu'elles voient passer, et qui lui-même succombe souvent à la fascination de se voir maître de ces troupeaux de vierges). Elles s'enflamment, se jalousent, se disent possédées, s'accusent de sorcellerie, accusent des prètres. La calomnie va bon train. La machine s'emballe. Le diable est désormais partout. C'est l'inquisition. Chacun tremble de s'entendre appelé "hérétique". La sorcellerie devient le prétexte à tous les abus, tous les réglements de compte, tous les débordements.

Puis surgit l'homme de science, le médecin, l'incrédule à dieu comme au diable. Il examine ces nonnes, ces mendiantes, et n'y voit que maladie, dérangement du cerveau, échauffement de la matrice... Affaire classée ? Point de sorcière ?

 

Bientôt en effet, les campagnes seront désertées (en même temps que les églises) et la Nature cessera d'être la grande adversaire de Dieu. Elle sera remplacée par l'argent. Exploitée et salie de toutes parts, nul n'y verra le moindre esprit jusqu'à la fin du vingtième siècle. Avec le courant écologiste renaitront alors les ombres des anciens cultes, la pensée d'autres cultures, la quête d'autres mondes. Cela reste des ombres.

La fée du logis refait son apparition dans l'imaginaire collectif, dans les années soixante, à travers la série tv "Ma sorcière bien aimée". C'est une femme au foyer qui se cache de son mari pour user de ses pouvoirs grâce auxquels elle le sauve toujours des mauvais pas, bien malgré lui. Leur union déplait à la famille de l'épouse immortelle, et la vraie nature de Samantha se dérobe aux simples humains. Le mari travaille pour une agence de pub (tout un programme). La jolie sorcière fournit les idées au mari qui les fournit à l'agence qui les fournit aux clients qui refourgent leur marchandise aux braves ménages : summum du rêve américain ! L'air du temps en fait une série culte, mais la suite ne marchera pas. Samantha a une fille, sorcière également. Mais la série nommée "Tabatha" qui débute à la fin des années soixante dix, sera boudée par le public et ne durera qu'une saison. La sorcière s'échappe quelque temps du grand ordre marchand. Elle éclate dans la révolution sexuelle, les psychotropes et le new age. Mais elle est toujours récupérée par l'immense machinerie des fantasmes collectifs, tendant à produire et à consommer des icônes.

La sorcière poursuit sa route, sans jamais bien saisir quelle femme elle devrait être. Du reste, c'est parfois un homme, car le sorcier a plus de poids que ce qu'en dit Michelet (c'est le mage, l'ancien druide, le prophète incompris, éternellement reniés par les gardiens du temple). Ceux-ci vont à l'école des sorciers ; celle-là forme une trinité avec ses soeurs dans le grenier d'un manoir, protectrice des innocents... L'imaginaire collectif s'en délecte toujours autant. Il y reconnait quelque chose d'intemporel, de profond... Rien ne se perd, tout se transforme, comme on dit. Et demain, que sera-t'elle ? Une poire, une fouine, un ange ? La question reste entière.

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21 mai 2010 5 21 /05 /mai /2010 14:58

Michel-Onfray_Le-crepuscule-d-une-idole.jpgL'autre jour, je me suis rendue à la fnac, spécialement pour jeter un oeil à ce nouveau livre iconoclaste : Le crépuscule d'une idole.  Je n'ai jamais été fan de Freud (je préfère l'approche de Jung, peu apprécié en France), mais au final, je suis rentrée chez moi avec le petit traité d'athéologie d'Onfray...

A ceux qui attendraient une critique claire et construite, je fais par avance mes excuses, car mon impression sur le sujet est des plus mouvantes.

Briseur d'icones par vocation, Michel Onfray semblait plutôt favorable à la psychanalyse dans son traité d'athéologie (ouvrage antérieur au crépuscule d'une idole). Nulle parole venimeuse à l'égard de Freud n'y a effleuré mon tympan. En effet, Freud partage avec Onfray une même vision du "mythe" en tant que système infantilisant, mais aucun d'eux ne semble en percevoir toute les nuances... Mythe et Croyance sont aussi distincts l'un de l'autre que le signe et le sens, quoique éternellement susceptibles de s'amalgamer (Onfray ne ratera pas Freud là dessus). Or ces deux "philosophes" n'étudient que l'échafaudage mythique et se persuadent ensuite que l'appréhension consciente des structures symboliques est déjà une fin en soi. Mais revenons au traité d'athéologie. Ce petit ouvrage fort documenté dévoile surtout de hauts monticules de superstitions, de contradictions, d'invraisamblances historiques et de ruses aliénatrices. En somme, rien de nouveau, car partout où émerge le pouvoir par le savoir,  rôde aussi le détournement. Si la sagesse s'est d'abord transmise par tradition orale (même dans les régions où l'écriture était maitrisée), ce n'est peut-être donc pas par défaut d'outils rédactionnels, mais au contraire par choix. Les époques où l'oralité passe soudain à la transmission écrite, sont toujours des époques de trouble où domine la peur de l'oubli... On sauve alors ce qu'on peut : des mots, des gestes, des fables, mais l'essentiel est déjà hors de portée (ou bien, il se transmet ailleurs, dans l'intimité des expériences humaines). Sur ce terrain, on n'évite jamais les raccourcis, le mythe, les ornements, les fioritures, les personnages "conceptuels", sensés rémédier à l'amnésie...

Bref, le positionnement d'Onfray en matière de croyance est explicite : d'une logique implacapble, mais absolument dénué d'intuition (domaine si propre à la Femme qu'il flatte pourtant à longueur de phrases). Adepte du scepticisme assumé, fort doué pour reconnaître la main du faussaire dans toute narration historique ou pour identifier le basculement dans la douce illusion des certitudes (divines ou scientifiques), l'auteur démonte, démembre, gratte, compare et réfute tout ce qui tombe entre ses mains. Certains commentaires personnels sont pourtant étonnants de bêtise. Une bêtise discrète, certes. Une bêtise humble, et presque naïve, si j'ose dire... Celle de celui qui croit à la croyance des croyants (voir l'ouvrage de Latour). En effet, les systèmes de médiations et de transmission sont toujours reconstruits, toujours sujets au débat et à la division, toujours faux, en somme, parcequ'ils sont là pour désigner autre chose qu'eux-mêmes. Cette "autre chose" qu'Onfray ne conçoit qu'en tant qu'arrière-monde ou maladie mentale, nous pourions la comparer à une impulsion, cet élan incompréhensible qui nous pousse parfois vers un but incommunicable. Par exemple : l'impulsion d'un jeune homme accompli qui abandonnerait de brillantes études pour parcourir la jungle, aller jouer de la flûte, ou qui s'enflammerait tout à coup pour une jeune fille traité d'atheologiepauvre et laide, sous l'oeil inquiet de ses parents et amis qui ne comprendraient pas ce qu'il lui trouve... Impulsion irrationnelle, donc, mais propre à l'histoire humaine, laquelle se manifeste ainsi dans bien d'autres configurations, et dont on ne saurait se défaire sans renoncer à soi-même. Cette "autre chose" ne se discute pas, sauf si l'individu en question en vient à construire toute une théorie pour justifier son inclination et l'ériger en nouvelle norme. L'exception devenue règle ! Le génie du singulier dont la volonté s'impose à tous collectivement. L'idéologie comme remède à la négation d'une particularité (mais bientôt comme nouvelle source de négation)... Religion, science, politique, art : les représentations et les explications du monde changent au gré des hommes d'élite, mais elles ne changent que lorqu'une autre vision a acquis suffisamment d'ampleur pour remplacer la précédente.

Dans son traité d'athéologie, Onfray tente d'ériger l'athéisme en institution (impulsion narcissique ou tentation de construire un système bien à lui ?). Il identifie un corpus de puristes (sans mélange de déisme ou de spiritualisme athée) et s'inscrit dans la lignée de Nietzsche. Tout un programme. Remarquons que Monsieur Onfray use toujours d'une étrange méthode pour susciter à coup sûr l'indignation qui le possède lui-même, et qui consiste à amalgamer l'objet de sa critique avec le régime nazi. Cet usage de l'amalgame existe dans le traité d'athéologie quant à la sympathie du vatican pour le régime Hitlérien (enfin, pour l'extrême droite en général, puisque la chose découle naturellement des monarchies de droit divin). Il existe aussi dans "le crépuscule d'une idole", à l'égard d'un lien occulte entre psychanalyse et nazisme... Pour ma part, je trouve ce lien plus crédible avec le système capitaliste (voir l'anti oedipe).

Quoiqu'il en soit,  ces livres méritent d'être lus avec "scepticisme", comme il se doit, quant aux intentions de son auteur (délivrer le monde de l'illusion, humm?)... En ce qui concerne Freud, misogyne certes, mais ouvert et nullement répressif (telle est l'avancée), je ne peux qu'approuver l'opération de démystification, quoiqu'il n'y ait rien à offrir en remplacement de la psychanalyse, et que l'individu d'aujourd'hui n'ait pas encore fini de discourir avec son "inconscient"...

 

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7 février 2010 7 07 /02 /février /2010 17:56

 
couverture latour, culte moderne des dieux faitichesCe petit livre du sociologue et philosophe des sciences, Bruno Latour, se propose de dégager un passage à travers les deux pôles opposés d’une éternelle illusion : la critique de la croyance et la croyance en la critique.

 
MON APPROCHE DU LIVRE
 

 En effet, y a-t-il vraiment une société fondée sur la raison et les faits d’un côté, confrontée à un monde de projections naïves et dépourvu de tout esprit rationnel de l’autre ?

Avec beaucoup d’humour, Bruno Latour nous rappelle que chacun de nos modèles sont construits, et que c’est en les élaborant qu’ils deviennent vrais à nos yeux. L’homme primitif qui sculpte un dieu de bois et lui attribue après coup des pouvoirs, ne croit pourtant pas à l’objet lui-même mais à la transmission des « savoirs / valeurs » qui se manifestent à travers lui. Les fétiches et les images ne sont que les vecteurs d’un processus plus subtil, et l’auteur fait ici la critique de « l’arrêt sur image ». Il ne s’arrête pas au signe, mais remonte toujours au mouvement dans lequel il s’inscrit et s’articule.

 

De même, les outils par lesquels la Science se constitue (courbes, tableaux, mesures graphiques, etc) sont des représentations, toujours sur le point de se substituer à ce qu’elles représentent… Alors à quoi croit-on, ou ne croit-on pas ? Y a-t-il des signes vrais et objectifs qui viendraient heurter des signes aliénants et barbares ?

Pour Latour, la particularité de l’homme « moderne », c’est qu’il brise ses fétiches (et accessoirement, ceux des autres) de part en part, puis il les rafistole en toute conscience selon un dispositif complexe et se persuade ensuite que ce dispositif l’a libéré, alors que c’est le dispositif lui-même qui devient le fétiche…

Au final, la liberté n’apparaît ni dans l’adoration de la chose inerte érigée au rang de divinité, ni dans le geste du briseur d’idole, venu libérer un peuple d’aliénés. A l'instar du sage qui désigne un astre du doigt, cette liberté se révèle dans le regard qui se porte vers l’astre en question, sans tenter de revenir à l’analyse de l’ongle ou de l’épiderme du doigt qui l’a désigné.

 

Plus que jamais d’actualité quant à la façon d’aborder les signes (ostentatoires ou pas) sans se laisser piéger par eux, ce petit livre attire notre attention sur la dangereuse fragilité de tout système de médiation, pourtant indispensable aux rapports entre les hommes.

 

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12 novembre 2009 4 12 /11 /novembre /2009 12:31

Rébecca de Daphné du Maurier. 1938.

 

SYNOPSIS : Une jeune demoiselle de compagnie, timide et effacée, rencontre un veuf fortuné, propriétaire d’un somptueux domaine dans l’ouest de l’Angleterre. Contre toute attente, le célèbre Maxim de Winter s’amourache de cette modeste jeune fille et l’épouse en quelques semaines avant de l’emmener à Manderley. D’abord émerveillée, la nouvelle madame de Winter ne tarde pas à découvrir l’ombre de Rebecca, cette première épouse, morte noyée…

 Auparavant déjà, le souvenir de Rébecca planait sur les ragots mondains. Puis, la timide jeune femme l’imagine errer sur le triste visage de son époux. Elle l’imagine parfaite, inoubliable, incomparable... Bientôt, Rebecca est partout. La jeune épouse la découvre à travers des empreintes, des objets, des initiales, mais surtout à travers les récits de Mrs Danvers : la gouvernante de Manderley.

 Mrs Danvers, cette femme obscure et rigide qui fut entièrement dévouée à Rebecca, ne cesse de rabaisser la nouvelle épouse, de la comparer à la précédente, de lui vanter son caractère et sa beauté, de lui tendre des pièges, de lui murmurer de petites atrocités à l’oreille et d’attiser son angoisse. L’ombre de Rébecca se fait de plus en plus menaçante, jusqu’au jour où une épave vient s’échouer dans la baie. Un cadavre est retrouvé dans le bateau avec lequel Rébecca sombra en mer. Or Rebecca est déjà enterrée dans la crypte du domaine, après avoir été identifiée par Maxim… Petit à petit, les vrais visages apparaissent. La noyée de la crypte est une inconnue. Et la vraie Rebecca n’est pas morte accidentellement. Une enquête est ouverte. La timide madame de Winter découvre alors bien des choses, mais elle découvre surtout qu’elle n’a rien à envier à la véritable Rebecca…

 

****************************************************************************** ***************** LA
CRITIQUE : Plusieurs genres se croisent dans ce roman qui commence comme un conte romantique, se poursuit comme un roman psychologique, se déploie à la limite du surnaturel, frôle le fantastique avant d’amorcer une intrigue policière et de finir comme un drame. Le maître du suspense, Alfred Hitchcock ne s’y est pas trompé en adaptant ce récit au cinéma. Et pourtant, le chef d’œuvre de Daphné du Maurier n’est guère surpassé par le film.

  Il est facile de se glisser dans la peau de la jeune narratrice, naïve et inexpérimentée, de la suivre dans ce royaume près de la mer qu’est Manderley, et de laisser le conte de fée se transformer en cauchemar. Au fur et à mesure du récit, la jeune fille gagne en maturité. Elle ne se laisse plus hanter par des illusions. Elle fait face au réel avec une force de caractère qui étonne son mari, lui-même tenté de s’effondrer devant les évènements.

 Tout au long du roman, c’est une absente qui règne en maître : Rebecca… Rebecca, l’épouse perdue. Rebecca, la femme faite, belle et intelligente. Rebecca, la femme forte et indomptable… A chaque instant, le lecteur s’attend à la voir ressurgir. Et en effet, elle ressurgit ! Mais sous la forme d’un cadavre en décomposition. Un cadavre toujours menaçant, de par les secrets qu’il pourrait révéler sur les circonstances de sa mort.

 L’espace de quelques minutes, la puissante Rebecca nous apparaît comme une victime, mais les apparences tiennent à rester trompeuses tout au long du roman. Y a-t-il eu meurtre, accident, suicide ? Le tour de force de Daphné du Maurier aura été d’encastrer la vérité au cœur du mensonge… Car l’admirable Rebecca est haïe. La femme idéale est une créature machiavélique. Se sachant condamnée par une maladie incurable, elle provoque Maxim par des mensonges, et le pousse au meurtre afin de l’entrainer avec elle dans sa perte… De ce dernier combat avec l’ombre de Rebecca, la nouvelle madame de Winter sortira vainqueur. Elle pourra rentrer dans son domaine près de la mer au bras de son époux, jusqu’à l’horrible scène finale… Qui laisse un goût de cendres.

 

 

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12 novembre 2009 4 12 /11 /novembre /2009 12:26

La mort à Venise de Thomas Mann. 1912.

 

 

SYNOPSIS : Gustave Aschenbach est un écrivain vieillissant, depuis longtemps reconnu pour son talent et ses œuvres. Mais alors qu’il travaille sur un nouveau livre, il est soudain pris d’une violente envie de partir en voyage. C’est à Venise qu’il ira…

 Malgré la splendeur des palais vénitiens, il se souvient que cette ville l’a déjà rendu malade par le passé et qu’il n’a jamais pu y séjourner trop longtemps. Il le sait, mais il passe outre... Quelque chose de fétide semble flotter dans l’air. La puanteur des ruelles et les relents des canaux lui montent à la tête, mais il ne peut plus partir. Quelque chose le fascine désormais ici : un jeune garçon  nommé Tadzio  a croisé son chemin au restaurant de l’hôtel, et Aschenbach est resté stupéfié par sa beauté. Beauté plus parfaite qu’aucune œuvre de l’esprit !

 Presque jaloux de cette beauté, l’écrivain s’absorbe totalement dans la contemplation de l’enfant. Pourtant, une épidémie de choléra rôde dans la ville. Les autorités tentent de dissimuler la rumeur, mais les gens avertis s’en vont peu à peu, avant que Venise ne soit mise en quarantaine…  Aschenbach sait tout cela, mais il reste. Malade, affaibli, il continue de suivre le garçon du regard, sur la plage, dans le hall, dans les ruelles, partout où il aperçoit son image… Entre obsession morbide et révélation mystique, le vieil homme tente vainement de rejoindre l’idéal qu’il n’a fait qu’effleurer toute sa vie… Sa mort ne tardera plus longtemps.


 

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LA
CRITIQUE : Ce court récit tout en atmosphères saisit d’abord le lecteur par la beauté du langage. Il n’y a pratiquement pas d’intrigue, et l’issue est déjà annoncée. Néanmoins, Thomas Mann parvient à faire ressentir au lecteur chaque impression du personnage, tout au long de son dernier voyage.

 Aschenbach promène sur la ville un œil d’artiste. Le moindre détail prend une coloration étonnante. Ainsi, dès son arrivée à Venise, l’écrivain est frappé par les manies extravagantes d’un jeune homme agité et bruyant, puis s’aperçoit soudain que ce jeune homme est « faux ». Sa jeunesse est artificielle ; c’est un vieillard maquillé, perruqué, à la moustache teinte et aux vêtements trop vifs qui se tient devant lui. Aschenbach en est presque épouvanté. Un peu plus tard, le jeune Tadzio apparaîtra à son tour dans sa pureté éblouissante. Les contrastes se succèdent souvent de la sorte au fil des pages… La beauté féérique de Venise laisse place à un labyrinthe de ruelles malsaines où rôde le choléra. Un sentiment d’étouffement maladif succède à l’émerveillement de l’arrivée. La tristesse d’un départ précipité est subitement anéantie par l’envoi inopiné de ses valises dans une mauvaise direction, ceci le forçant à demeurer à l’hôtel. Une joie invraisemblable succède alors à la tristesse du départ ; la joie lugubre et incompréhensible de se retrouver prisonnier dans la ville avec l’objet de son obsession.

 Le jeune Tadzio n’est pourtant pas une illusion, ni un symbole éthéré. C’est un jeune garçon bien réel, âgé d’environ quatorze ans. Il parle polonais et a trois sœurs aînées qu’Aschenbach a le loisir d’observer lorsque le petit groupe s’attable au restaurant, sous la surveillance de leur gouvernante. Les femmes qui surveillent Tadzio finissent d’ailleurs elles-mêmes par s’apercevoir du regard insistant de cet étranger et le rappellent vers elles dès qu’il s’aventure trop près de l’écrivain. Ce dernier en ressent une blessure profonde, la honte d’être soupçonné de quelque penchant malsain…Mais qu’en est-il vraiment ? Là encore, les contrastes se succèdent. De la pure contemplation à l’impulsion obsessionnelle, tous les états se succèdent dans le cœur du vieil homme. Aschenbach tente de modeler son écriture sur les formes idéales du jeune garçon, avant de se fondre entièrement dans son image et de s’y évanouir. A jamais... 

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12 novembre 2009 4 12 /11 /novembre /2009 12:07


Les possédés de Fédor Dostoïevski. 1872.

 

SYNOPSIS : Dans une province russe, un petit cercle de littérateurs se forme autour de Varvara Stravoguine,  une veuve fortunée et extravagante, férue d’idées « nouvelles ». Un intellectuel sur le déclin, Stépan Verkhovenski, grotesque et romantique à tendance mythomane, se charge de l’éducation de son fils unique : Nicolas Stravoguine, tout en animant les soirées de ce salon insignifiant… Insignifiant, jusqu’au jour où une société plus inquiétante s’y insinue…

 Le retour des « enfants » Stravoguine et Verkhovenski après leur premiers pas dans le monde, marque le début des turbulences dans cette bonne ville de province.

 Nicolas Stravoguine, d’une beauté glaciale, envoutante et charismatique, apparaît bientôt dans un parfum de scandales et de blasphèmes en tout genre. Dans son ombre, officie le jeune Piotr Verkhovenski, chef d’un petit groupe nihiliste et révolutionnaire, à la limite du terrorisme. Leur mot d’ordre semble être : Agir pour l’ébranlement systématique de tous les fondements, la décomposition systématique de la société et de tous les principes. Leur organisation demeure secrète et les apparences sont sauvées par des masques courtois, mais autour d’eux s’agite toute une galerie de personnages comiques et terrifiants, emportés par leur passion, leur rancœur et leur fanatisme, jusqu’au moment des règlements de compte…


 

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LA
CRITIQUE : On a souvent dit que ce livre était difficile d’accès. Il est vrai que l’intrigue ne se met pas tout de suite en place. Mais c’est que Dostoïevski accorde une importance particulière aux parents des futurs « possédés ». L’étrange amitié qui lie la veuve Stravoguine au pseudo littérateur Stépan Verkhovenski n’a rien d’anodin dans le livre… En effet, ils portent en germe les idées de leurs enfants et les leur inoculent en toute innocence.

Si les parents rêvent déjà de socialisme, d’égalité et de liberté, ils ne font qu’en rêver dans le confort de leurs petits salons, confinés dans le périmètre sécurisant de leur luxueuse propriété, sans voir le poison distillé par leur hypocrisie. Mais la génération nouvelle ne se contentera pas de bavarder à l’abri des salons littéraires ; elle passera à l’acte, descendra dans les bouges populaciers et ébranlera jusqu’aux fondements de la société, n’ayant pas d’autre choix que la destruction pour se frayer un passage.

 Nicolas Stravoguine endosse  le rôle du grand blasphémateur. Son visage parfaitement beau n’exprime rien. Il bafoue invariablement les femmes de la haute société, insulte les notables, humilie sa propre fiancée, épouse légitimement une mendiante boiteuse à demi folle (qui périra étrangement, une fois devenue gênante), engrosse la femme d’un camarade, enflamme les cœurs, les dégoutent, et s’anéantit lui-même. Sa mère le compare à Hamlet et dit se reconnaître en lui… Dans un chapitre longtemps censuré (la confession de Stravoguine), nous apprenons qu'il poussera le vice jusqu'au viol d'une fillette. Pour le coup, notre héros demeurera hanté... En fait, Stravoguine est impuissant à choisir résolument une cause, malgré tous les espoirs que son aura suscite. Il s’embourbe dans ses contradictions avant de tout rejeter dans le néant et de se laisser balloter au gré des ses instincts, plus souvent vils que sublimes. Il est même excédé que tant de gens s’attendent à quelque chose de divin de sa part, lui qui ne croit en rien.

 Quant à Piotr Verkhovenski, il est parfaitement lucide sur sa propre médiocrité, parfaitement méprisant envers celle de son père, et totalement résolu à s’en servir comme d’une arme pour endormir la méfiance de son entourage et manœuvrer les gens à leur insu.

  Le personnage de Chatov (l’époux de la femme engrossée par Nicolas) est un repenti de ce petit groupe révolutionnaire qui paiera chèrement son départ de l’organisation. Sensé incarner les idées de Dostoïevski sur l’âme russe et l’orthodoxie, ce personnage ne parvient pas à prendre de l’ampleur, et sa voix se laisse étouffer dans la multitude foisonnante du roman.

 Certes, Il est difficile d’entrer dans le livre et de s’identifier à un personnage. Le lecteur est préservé de la folie, mais condamné à rester spectateur de la vague qui emporte chacun des protagonistes vers l’enfer…

 

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26 juin 2009 5 26 /06 /juin /2009 10:09

  declin-occident.jpgJe voudrais aujourd'hui évoquer le livre "Le déclin de l'Occident" d'Oswald Spengler, paru entre les deux dernières guerres mondiales. Cet auteur qui fut approché par le pouvoir nazi (et qui s'en écarta) jeta pourtant un regard complaisant sur la dictature italienne dans laquelle il crut voir l'avènement du césarisme annoncé dans son texte.
Tout ceci n'est qu'une parenthèse avant d'aborder le vif du sujet...
Spengler conçoit l'Histoire comme un processus organique induisant une grande diversité de cultures qui suivent chacune leur cheminement vers l'accomplissement de leur propre forme (la civilisation étant à ses yeux la forme extérieure mais creuse, artificielle et déjà moribonde d'une culture ayant atteint sa pleine maturité). C'est à ce sujet qu'il se montre rigide quant à l'avenir, lorsqu'il écrit : "le présent est une époque civilisée, non une époque cultivée. Ainsi toute une série de matières vivantes se révèlent désormais impossibles. On peut le regretter et affubler ce regret d'un manteau de philosophie ou de lyrisme pessimistes - et on le fera à l'avenir - mais on n'y pourra rien changer." A cela il ajoute : "Si sous l'impression de ce livre, les hommes de la génération nouvelle se tournent vers la technique au lieu de la poésie lyrique, vers la marine au lieu de la peinture, vers la politique au lieu de la philosophie, ils auront accompli mon désir et on ne pourra rien leur souhaiter de meilleur."
En effet, la nouvelle génération ne saurait être plus pragmatique... Mais est-il si certain qu'il n'y ait pas de culture en germe au milieu de notre beau système globalisant ?
Chaque culture a tendance à poser sa forme individuelle comme un objectif universel et à contempler les autres dans le cadre prédéfini de son modèle... Toutefois Spengler était persuadé qu'il appartenait à l'homme occidental, et à lui seul ! de jeter un regard objectif sur l'ensemble de ces processus et de parvenir à une "morphologie de l'histoire universelle" en prenant en compte toutes les complexités de ses ramifications. Il  se contredit pourtant lui-même en mettant en évidence la tendance et la prétention de l'homme à vouloir faire entrer toute matière extérieure dans un moule unique, ou encore, à nier tout phénomène qui ne s'y conforme pas...
Pour lui l'Occident est censé connaître une phase de déclin au cours du troisième millénaire, et cette "prophétie" ne fut pas bien accueillie par ses contemporains, malgré l'immense succès de son livre, surtout à l'aube d'une guerre mondiale. Il est certes à prévoir que le monde subira encore de grandes métamorphoses, mais que sait-on de ce qu'il en sortira ? S'il est vrai que la civilisation est l'aboutissement morbide d'une culture, observons le modèle américain qui, dans sa forme, est pourtant assez jeune... N'est-ce que l'émanation du vieux monde, ou bien le laboratoire de nouvelles connexions ? Et que dire des cultures sous-jacentes qui s'y sont imbriquées dans les heurts et le sang, mais n'en poursuivent pas moins leur chemins dans des veines invisibles ? Il y a régulièrement des phases de ce type où il nous faut parcourir un espace vide sans pouvoir revenir à ce qui fut, ni pouvoir saisir ce qui adviendra... Le désert transitoire, dirais-je...

desert-sable.jpg
Spengler avait conscience qu'il nous était impossible de saisir certains processus qui nous sont étrangers et que nous ignorons, jusqu'à ce qu'ils aient croisé notre chemin de plein fouet. Mais aujourd'hui, la prudence est de mise quant à imposer un modèle sociétal dominant. On a cessé d'ignorer la distance intérieure et extérieure qui se dresse entre la réalité et nos projections. Ou bien, nous sommes plus diplomates en la matière... Dans cet esprit, voici l'extrait promis :

"On choisit un paysage unique et on décrète qu'il sera le centre d'un système historique. Système planétaire de la plus originale invention, en vérité!  Ici est le soleil central. D'ici se diffuse la vraie lumière qui éclaire tous les évènements historiques. D'ici comme d'un point perspectif, on peut mesurer la signification. Mais en réalité, c'est ici l'orgueil qui parle. Orgueil de l'européen occidental qu'aucun septicisme n'arrête et qui déroule dans son esprit le fantôme de l'Histoire universelle. Nous lui sommes redevable de l'énorme illusion d'optique depuis longtemps passée à l'état d'habitude, qui nous fait croire qu'au loin, en Chine, en Egypte, l'histoire de plusieurs millénaires se condense en quelques épisodes, tandis qu'auprès de nous dans nos régions, depuis Luther et Napoleon, les décades s'enflent comme des fantômes. Nous savons que c'est pure apparence quand un nuage semble se déplacer plus vite de près que de loin, ou un train ramper en traversant un paysage lointain; mais nous croyons que le tempo de la vieille histoire indoue, babylonnienne ou égyptienne fut réellement plus lent que celui de notre passé très proche. Et nous trouvons leur substance plus mince, leurs formes plus faibles, plus étirées, parce que nous n'avons pas appris à tenir compte de la distance - intérieure et extérieure."

Oswald Spengler(Intro au declin de l'Occident) Blankerburg en Harz, 1922

J'ignore d'où Spengler contemplait le mouvement des cultures et de l'Histoire, ni s'il est véritablement possible à une philosophie de comprendre en elle-même des esprits si variés... Pour lui, la culture occidentale étant "morte" ( mais non pas sa civilisation), elle ne peut plus faire autrement que d'exploiter ses formes passées et sa matière désacralisée, d'une façon technique, efficace et purement utilitaire. Il a également résumé toute sa pensée en une note au bas de son introduction : "Platon et Goethe représentent la philosophie du devenir, Aristote et Kant, la philosophie du devenu. Ici l'intuition s'oppose à l'analyse. Ce qu'il est à peine possible de comprendre par l'intelligence, Goethe l'a marqué dans des notes particulières ou des poésies telles que "Premières paroles d'Orphée" (...) qu'il faut considérer comme l'expression d'une métaphysique tout à fait claire. Je ne voudrais pas changer un iota aux paroles suivantes qu'il avait écrite à Eckermann : "La divinité agit dans le vivant, mais non dans le mort, elle est dans ce qui devient et qui change, non dans ce qui est devenu et figé. Aussi,  la raison, dans sa tendance vers le divin, ne doit-elle avoir à faire qu'avec ce qui devient, avec le vivant, tandis que l'entendement s'occupera du devenu, du figé, afin d'en tirer parti." Cette phrase renferme toute ma philosophie."

On comprend mieux dès lors, la survenue de certains "prophètes" s'offusquant de voir partout des morts dans leurs coquilles creuses ou leurs sarcophages blanchis, toujours à des époques charnières. Prophètes qui se proposent de ressusciter l'ancien monde, mais qui  échouent le plus souvent, ou ne parviennent qu'à créer une nouvelle culture sur les ruines de la précédante. Pourquoi le roi d'Egypte Akhenaton tenta t'il d'instaurer le culte unique du dieu Rê, des siècles avant le monothéisme de l'Islam ? N'était-ce pas l'ultime métamorphose qu'il aurait fallu à l'ancien monde égyptien pour survivre ? Pourquoi l'empereur Julien tenta t'il si désespérement de restaurer les anciens cultes à la face du christianisme triomphant ? Pourquoi Rome fut-elle ainsi absorbée par sa dernière religion d'état après avoir si longtemps intégré tous les dieux étrangers à son panthéon sans jamais en être altérée dans son essence ? Pourquoi Alexandre mettait il un point d'honneur à marier ses généraux avec les femmes des nations concquises et à intégrer leurs coutumes plutôt que de leur imposer les siennes ? Ainsi, pour Spengler, ce que l'homme appelle "divinité" n'est rien d'autre que cet élan vital qui permet aux êtres d'atteindre et d'accomplir leur forme propre. Dans certaines périodes, nous cherchons à accroître notre élan de vie en canalisant ou en absorbant celui des autres. A d'autres époques, nous luttons férocement contre des formes étrangères de l'esprit. En d'autres temps encore, nous craignons d'être absorbés par ces courants de violence ou de passion irrationnels, et nous nous protégeons d'eux, bien à l'abri dans nos coquilles... Cela nous renseigne en effet sur l'âge de notre monde (un Akhenaton venu trop tôt, un Julien venu trop tard, etc...).
Et pourquoi notre petit président français, le rusé Sarkozy, a t'il si souvent tenté de contrôler les flux financiers qui alimentent de façon souterraine le culte musulman en France, en flirtant dangereusement avec la loi de séparation du politique et du religieux ?
Et que dire de toutes ces cultures qui n'ont jamais atteint leur phase finale de "civilisation", et qui circulent mystérieusement dans les psychismes et les inconscients ?
Tout cela nous renvoie à la question de la dynamique qui donne au monde son orientation... Difficile de dire où se situe la Vie. Par contre tout ce qui est mort peut être à l'instant quantifié, mesuré, exploité et engrangé... Pour ma part, je ne crois pas au déclin. Et si les choses ne déclinent pas, elles prennent de nouvelles formes. Certes, la forme précédente est à jamais figée, mais sachons voir quelles formes nouvelles sortiront du chaos...

 

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10 mars 2006 5 10 /03 /mars /2006 22:25

antechristnietsche Voici quelques réflexions et extraits issus du livre L'Antéchrist, par Frédéric Nietzsche.

 Il est sûrement trop difficile de se représenter le degré d'hypocrisie qui règnait dans la société crépusculaire qu'est la fin du dix neuvième siècle, mais compte tenu de la rage de Nietzsche pour défendre son fameux instinct de puissance, on peut s'en faire une petite idée.

Notre grand philosophe a mis un point d'honneur à replacer l'homme au niveau de ses instincts les plus basiques (et même, les plus féroces). Car  s'il y a quelque chose de pire qu'un homme rabaissé au rang de bête : c'est lorsqu'une bête se déguise en homme. Nietzsche (qui prétendait avancer masqué) n'a jamais cessé de faire sauter les masques et d'arracher les déguisements.

Il me semble qu'il a mis à nu ses propres instincts sans fard ni pincettes, poussé l'homme à une totale intégrité, une pleine conscience de ses désirs et de ses valeurs réelles. Il a surtout voulu le dégager des influences culpabilisantes du temps, et en premier lieu, du christianisme. J'ignore comment il en est venu à s'écrier : "Le parasitisme ! seule et unique pratique de l'Eglise, avec son idéal d'anémie, son idéal de sainteté buvant à l'épuiser tout sang, tout amour, tout espoir dans la vie ; l'au delà en tant que volonté de négation de toute réalité ; la croix comme emblème pour la plus souterraine des conjurations qui aient existé : contre la santé, la beauté, la qualité, la bravoure, l'esprit, la bonté de l'âme, contre la vie elle même".

J'ai remarqué que ce sont toujours les plus chrétiens qui se dégoûtent le plus violemment de cette religion (car Nietzsche se destina d'abord à la théologie, mais renonca finalement à devenir pasteur)... C'est encore l'hypocrisie, je suppose, qui aura mis Nietzsche en fureur.  On dirait qu'il a dû arracher les évangiles de sa moelle (cette opinion n'engage que moi).

Enfin bref, voici un  autre petit échantillon de l'Antéchrist, livre dont certains développements donneront matière à une sanglante idéologie :

"L'évolution que représente l'humanité n'est pas un progrès vers quelque chose de meilleur ou de plus fort... L'Européen d'aujourd'hui, quant à sa valeur, reste bien en dessous de l'Européen de la Renaissance... Sous un autre rapport, il existe une réussite constante des cas isolés, aux endroits les plus divers et provenant des cultures les plus diverses avec lesquels se manifeste effectivement un type supérieur : quelque chose qui par rapport à l'ensemble de l'humanité est une sorte de surhomme".Friedrich-Nietzsche.jpg

Le vingtième siècle a vu ce que ce genre d'exhortations a donné sur le terrain, massivement inoculé à des esprits sans finesse. Il y a tant de chiens enragés qui feraient mieux de cultiver l'Homme qui sommeille en eux, qu'il est toujours trop tôt pour penser au surhomme...

Enfin bon, le conflit d'interprétation est inévitable. Que voulait donc dire Nietzsche ? Que l'homme doit assumer et explorer sans crainte ses instincts les plus dangereux ?

Or, après s'être immergé au coeur de l'instinct animal, il faut encore passer par le règne végétal (la réceptivité originelle). Et après ça, il faut descendre plus bas que terre, sous le poids indicible de l'instinct minéral (si ! si ! il y a également un instinct minéral, proche de la force d'inertie, et bien ancré en nous).

Puis, ayant parcouru toutes les composantes de sa nature, l'être humain devrait pouvoir choisir en connaissance de cause ce qu'il est vraiment. Ou du moins, il devrait pouvoir déceler cette petite place vide, cette zone manquante, cette question sans réponse à laquelle il doit pallier par lui même, ce en achevant de se créer à l'image qu'il aura intimement choisie.

 

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