Rébecca de Daphné du Maurier. 1938.
SYNOPSIS : Une jeune demoiselle de compagnie, timide et effacée, rencontre un veuf fortuné, propriétaire d’un somptueux domaine dans l’ouest de l’Angleterre. Contre toute attente, le célèbre Maxim de Winter s’amourache de cette modeste jeune fille et l’épouse en quelques semaines avant de l’emmener à Manderley. D’abord émerveillée, la nouvelle madame de Winter ne tarde pas à découvrir l’ombre de Rebecca, cette première épouse, morte noyée…
Auparavant déjà, le souvenir de Rébecca planait sur les ragots mondains. Puis, la timide jeune femme l’imagine errer sur le triste visage de son époux. Elle l’imagine parfaite, inoubliable, incomparable... Bientôt, Rebecca est partout. La jeune épouse la découvre à travers des empreintes, des objets, des initiales, mais surtout à travers les récits de Mrs Danvers : la gouvernante de Manderley.
Mrs Danvers, cette femme obscure et rigide qui fut entièrement dévouée à Rebecca, ne cesse de rabaisser la nouvelle épouse, de la comparer à la précédente, de lui vanter son caractère et sa beauté, de lui tendre des pièges, de lui murmurer de petites atrocités à l’oreille et d’attiser son angoisse. L’ombre de Rébecca se fait de plus en plus menaçante, jusqu’au jour où une épave vient s’échouer dans la baie. Un cadavre est retrouvé dans le bateau avec lequel Rébecca sombra en mer. Or Rebecca est déjà enterrée dans la crypte du domaine, après avoir été identifiée par Maxim… Petit à petit, les vrais visages apparaissent. La noyée de la crypte est une inconnue. Et la vraie Rebecca n’est pas morte accidentellement. Une enquête est ouverte. La timide madame de Winter découvre alors bien des choses, mais elle découvre surtout qu’elle n’a rien à envier à la véritable Rebecca…
****************************************************************************** ***************** LA CRITIQUE : Plusieurs genres se croisent dans ce roman qui commence comme un conte romantique, se poursuit comme un roman psychologique, se déploie à la limite du surnaturel, frôle le fantastique avant d’amorcer une intrigue policière et de finir comme un drame. Le maître du suspense, Alfred Hitchcock ne s’y est pas trompé en adaptant ce récit au cinéma. Et pourtant, le chef d’œuvre de Daphné du Maurier n’est guère surpassé par le film.
Il est facile de se glisser dans la peau de la jeune narratrice, naïve et inexpérimentée, de la suivre dans ce royaume près de la mer qu’est Manderley, et de laisser le conte de fée se transformer en cauchemar. Au fur et à mesure du récit, la jeune fille gagne en maturité. Elle ne se laisse plus hanter par des illusions. Elle fait face au réel avec une force de caractère qui étonne son mari, lui-même tenté de s’effondrer devant les évènements.
Tout au long du roman, c’est une absente qui règne en maître : Rebecca… Rebecca, l’épouse perdue. Rebecca, la femme faite, belle et intelligente. Rebecca, la femme forte et indomptable… A chaque instant, le lecteur s’attend à la voir ressurgir. Et en effet, elle ressurgit ! Mais sous la forme d’un cadavre en décomposition. Un cadavre toujours menaçant, de par les secrets qu’il pourrait révéler sur les circonstances de sa mort.
L’espace de quelques minutes, la puissante Rebecca nous apparaît comme une victime, mais les apparences tiennent à rester trompeuses tout au long du roman. Y a-t-il eu meurtre, accident, suicide ? Le tour de force de Daphné du Maurier aura été d’encastrer la vérité au cœur du mensonge… Car l’admirable Rebecca est haïe. La femme idéale est une créature machiavélique. Se sachant condamnée par une maladie incurable, elle provoque Maxim par des mensonges, et le pousse au meurtre afin de l’entrainer avec elle dans sa perte… De ce dernier combat avec l’ombre de Rebecca, la nouvelle madame de Winter sortira vainqueur. Elle pourra rentrer dans son domaine près de la mer au bras de son époux, jusqu’à l’horrible scène finale… Qui laisse un goût de cendres.