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9 mai 2009 6 09 /05 /mai /2009 15:06


Troisième et dernier volet du triptyque : Oltarion, qui vient clore et parachever Les oubliés et La sorcière écarlate. 
Ce conte correspond donc au cercle du réel, celui qui fait la jonction entre l'imaginaire et le symbolique. Il rend compte du parcours qui confronte nos modèles et nos idéaux à la dureté de l'existence. Parcours qui nous fait regarder en face l'effondrement de nos illusions, ou la réalisation de nos rêves. En somme, ce dernier texte contient la clef des deux autres.
A présent, tout est dit.

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                                                            OLTARION


                                                                      I


Il était une fois une cité dont la route demeurait secrète. Les hommes qui parvenaient à trouver son chemin rencontraient mille obstacles avant d’atteindre ses portes. Nombre d’entre eux abandonnaient sans même l’avoir entraperçue. Cette cité légendaire semblait tout à la fois si proche et si lointaine que bien des hommes devenaient fous au cours de leur périple. Certains la disaient maudite, trompeuse et irréelle mais pour d’autres, elle était la cité merveilleuse qui surplombait la terre des hommes : la divine Oltarion. La plupart des gens qui se lançaient à sa recherche y voyaient également un moyen de fuir les fléaux et les guerres qui faisaient rage un peu partout.

A l’époque où tant d’hommes partaient en quête vers Oltarion, le royaume d’Abgral était plongé dans le deuil depuis la mort du roi. Le grand intendant avait hérité du trône car Abgral n’avait pas laissé de fils, mais un nouveau fléau empoisonna dès lors le peuple : chaque nuit, des créatures aux petits yeux perçants parcouraient le royaume à la manière d’une meute de loups. Ces gens entraient dans les maisons comme des ombres furtives, sans éveiller personne. Nuit après nuit, ils buvaient le sang des villageois, puis ils disparaissaient jusqu’à la nuit suivante.  Durant le jour, cette horde de vampires escortait le grand intendant et lui rendait divers services.

Quand le peuple s’aperçut qu’il était tombé aux mains de pareilles créatures, des rébellions éclatèrent. Le grand intendant tenta alors de lever une armée contre le peuple, mais les soldats se retournèrent un à un contre lui. Certes, l’intendant conservait l’appui de sa meute de vampires, néanmoins, ces derniers craignant la lumière du jour, ils ne pouvaient combattre qu’aux heures les plus obscures.

- Fuyons ce palais, dirent les vampires. Les hommes ne nous obéiront jamais. Mieux vaut agir dans l’ombre, et nous les dévorerons sans même qu’ils nous soupçonnent.
- Non, répondit l’intendant. Mon pouvoir est légitime. Abgral m’a laissé sa couronne et je n’y renoncerai pas. Je trouverai une nouvelle armée pour combattre les rebelles.
- Mais quels hommes accepteraient de combattre à nos côtés ? demandèrent les vampires.
- Des hommes d’honneur, dit l’intendant. Autrefois, le roi Abgral passa une alliance avec le roi Gwendorn. J’étais là quand nos hommes vinrent en aide à ce roi. A Présent, Gwendorn se doit de mettre fin aux rébellions. Quand bien même il mépriserait ma façon de régner, je suis là par la volonté d’Abgral, et ce Gwendorn m’aidera en souvenir de leur amitié.
Ayant pris cette décision, le grand intendant se mit en route avec sa sombre escorte.

 

                                                                        II

Lorsque le grand intendant parvint au royaume de Gwendorn, il fut bien étonné de le trouver en deuil. Le vieux roi était mort, mais il restait trois héritiers. Les enfants de Gwendorn reçurent l’intendant au palais avec un vague malaise. Les vampires se tenaient à quelques mètres d’eux, entièrement enroulés et encapuchonnés dans leurs sinistres draps noirs.
- Que venez vous chercher dans ce royaume ? demanda le fils aîné du défunt roi.
- Je viens rappeler à Gwendorn l’alliance qu’il a passée avec le roi Abgral, répondit l’intendant. Mais puisque votre père est mort, j’ignore à qui m’adresser, cher Prince…
- Je me souviens de cette alliance, dit le jeune homme. A présent, c’est à moi de porter le nom et le titre de mon père. Adressez vous à moi comme à lui-même.
- Fort bien, jeune Gwendorn, répondit l’intendant. Laissez moi vous exposer ma requête.

L’intendant décrivit alors les troubles de son royaume et se plaignit des rébellions. Le jeune Gwendorn l’écouta en silence tandis que les deux autres héritiers (Wilrick  et Aurora) se parlaient tout bas l’un à l’autre.

- Ces hommes ressemblent à des vampires, chuchota le prince Wilrick. Je regrette que Gwendorn les ait laissé entrer…
- Notre frère essaie d’agir comme l’aurait fait notre père, répondit la belle Aurora. Je suis sûre qu’il s’applique à cerner le personnage et qu’il fera tout pour le mieux.

Lorsque le grand intendant eut achevé son discours, le jeune Gwendorn prit la parole.
- J’ai entendu votre requête, dit le prince, mais je n’enverrai pas notre armée combattre le peuple d’Abgral.
L’intendant fixa le prince d’un œil mauvais, et les vampires firent un pas en avant.
- Jeune homme, dit l’intendant, vous ne semblez pas comprendre la promesse qui vous lie. Le roi Abgral m’a légué son trône, et les rebelles sont hors la loi. Vous avez l’air de me prendre pour un usurpateur mais autrefois mon royaume est venu en aide au vôtre. Aujourd’hui, j’en suis l’unique représentant et j’attends tout naturellement que vous honoriez cette alliance. Comprenez vous ?
- J’entends bien, dit le prince.
- Vous serez bientôt roi, reprit le grand intendant. Je vais retourner sur mes terres et vous laisser achever votre deuil, jeune Gwendorn. J’espère que vous retrouverez vos esprits après le couronnement, car un roi n’a que son honneur.
L’intendant lança un dernier regard menaçant à l’adresse du jeune homme et quitta le palais avec ses créatures.

Lorsqu’il arriva aux frontières du royaume, il pointa l’index vers l’un des vampires et lui confia une mission.
- Toi, dit il, reste ici et cache toi dans les bas fonds du palais. Chaque nuit, tu te glisseras dans la chambre de Gwendorn et tu lui suceras le sang jusqu’à ce qu’il se décide à honorer l’alliance de son père.
- Ce sera fait, Seigneur, répondit le vampire.
Et le grand intendant s’en retourna vers le royaume d’Abgral avec le reste de son escorte.

 

                                                                       III

Le royaume de Gwendorn sortit bientôt du deuil pour faire place à la liesse. Le peuple se réjouissait maintenant du sacre du nouveau roi. Il y eut des chants, des danses et des festins douze jours durant, mais le jeune roi demeura étrangement pâle et silencieux. Au terme des festivités, le frère et la sœur du roi commencèrent à s’inquiéter de sa mauvaise mine. Ils cherchèrent à savoir s’il était souffrant et Gwendorn leur confia qu’il était tourmenté par l’ancienne alliance avec Abgral.
- Je ne suis pas libre, dit le jeune roi en se prenant la tête dans les mains. Chaque nuit, il me semble entendre une voix qui me répète de me soumettre à cette alliance.
Sa jeune sœur s’approcha de lui et tenta de le rassurer par de sages paroles.
- Le grand intendant a longtemps trompé le roi Abgral pour obtenir sa confiance, dit la princesse Aurora. Ne lui accorde jamais la tienne. C’est un homme sans honneur qui se sert de celle des autres pour les piéger. Cette alliance n’est guère plus qu’un mot depuis qu’il a dénaturé les valeurs du royaume.
-  Je sais tout ça, répondit Gwendorn, mais il y a autre chose. Mes forces me quittent, jour après jour. Quant à mes nuits, je les passe toutes à faire le même cauchemar. Le matin, je m’éveille au bord de l’étouffement.
- Méfions nous du grand intendant, lança durement le prince Wilrick. Il est bien capable d’avoir envoyé des assassins ou des empoisonneurs. Que ta porte soit bien gardée, et que ta nourriture soit surveillée de près !

Malgré toutes ces précautions, le vampire se glissait sous les portes comme une ombre impalpable et continuait de boire le sang du roi.
- Je ne te laisserai en paix que lorsque tu auras honoré cette alliance, murmurait la créature, encore et encore.
Chaque nuit, les mêmes sévices étaient infligés au jeune roi, mais celui-ci croyait qu’il s’agissait d’un songe.

Il arriva pourtant un soir de pleine lune... Le ciel était si clair, si étoilé et d’un éclat si pur, que le jeune Gwendorn sentit qu’il ne dormait pas. Alors que le vampire se penchait sur sa gorge, le roi le saisit par les cheveux et lui parla en face.
- Je suis bien réveillé, dit il, et je sais que tu es l’esclave du grand intendant. Quel que soit l’ordre qu’il t’ait donné, sache qu’il est découvert et que cela suffit à détruire notre alliance. Va répéter ça à ton maître, et ne reviens jamais chez moi !
Ayant prononcé ces paroles, Gwendorn repoussa violemment le vampire contre le mur. La créature prit la forme d’un brouillard et se glissa hors du palais par une faille minuscule.

Dans les jours qui suivirent, le roi Gwendorn retrouva ses couleurs et sa vitalité. Toutes choses semblèrent rentrer dans l’ordre mais le jeune roi resta marqué. Il éprouva dès lors un immense dégoût pour les guerres, les complots et le sang versé, si bien qu’un nouvel idéal se présenta à son esprit. Tout son être aspira ardemment à le cité parfaite : le divine Oltarion. Très vite, il résolut d’en faire sa priorité.

- Voilà la quête que j’ai choisie, annonça t’il à son peuple. Si nous devons lever une armée, elle sera pacifique. Nous marcherons vers Oltarion. Ce sera notre but !

 

                                                                      IV

Le roi Gwendorn prit la tête de l’armée aux côtés de son frère Wilrick  et du chevalier Jérès, leur ami d’enfance. Seule la princesse Aurora demeura au palais.
Nul ne savait exactement où se trouvait Oltarion, mais les hommes marchèrent jusqu’aux limites des royaumes humains et arrivèrent dans un désert.
- Es tu certain que nous devons le traverser ? demanda Wilrick.
- Telle est notre route, répondit Gwendorn. La seule indication que nous ayons est qu’Oltarion s’élève par delà les horizons des hommes. Voilà donc la première limite à franchir.
- Nous ne savons même pas où nous allons, objecta Wilrick.
Mais Gwendorn semblait habité par une extraordinaire conviction.
- Le roi a parlé ! s’écria le chevalier Jérès. Suivons le jusqu’au bout !
Gwendorn s’engagea le premier, et tous s’engagèrent après lui. Le désert de cendre se referma bientôt sur l’armée, à tel point que les hommes ne distinguèrent plus rien aux alentours. Une poussière grise les encercla et l’épuisement les gagna tous, les uns après les autres. Beaucoup d’hommes tombèrent en route et furent presque aussitôt ensevelis sous la cendre. Le prince Wilrick jeta alors un regard derrière lui et s’alarma de ce qu’il vit.
- Gwendorn ! cria t’il. Nos soldats meurent les uns après les autres sans même avoir combattu !
- Nous ne pouvons plus faire marche arrière, dit le roi.

Ils poursuivirent ainsi leur chemin sans que nul ne puisse compter les heures qui s’écoulèrent. Enfin, ils se retrouvèrent à l’orée d’une forêt qui parut surgir de nulle part.
- Quelle est cette vision ? murmura le chevalier Jérès.
- C’est la seconde limite qu’il nous faut dépasser, dit Gwendorn.
Il s’agissait d’un bois très sombre dont les arbres se tordaient comme autant de membres crochus… Personne ne pouvait faire un pas sans se prendre à une ronce, une branche ou une racine.
- Voilà un nouveau lieu dont nous ne sortirons pas indemne ! lança Wilrick.

Au moment où l’armée s’engageait dans la forêt, une voix étrange s’éleva de sous la terre et raisonna distinctement au dessus de leurs têtes.
- C’est ici que vos chemins se séparent, dit la voix avec douceur. Vous venez de pénétrer dans la forêt qui borde la montagne d’Oltarion, mais il n’y aura personne à vos côtés lorsque vous devrez la gravir. Que chacun d’entre vous se prépare à rester seul.

Tous les hommes de l’armée entendirent cette voix. Le chevalier Jérès adressa un sourire confiant à Gwendorn.
- Je sais que tu y arriveras, dit il. Que le premier à atteindre Oltarion vienne en aide aux suivants !
Peu à peu, ils s’égarèrent et se dispersèrent dans la forêt.


                                                                        V

Lorsque le roi Gwendorn sortit enfin de la forêt, il se retrouva seul au pied de la montagne. Il lui sembla voir les murs de la citadelle s’élever sur les hauteurs, mais en fait, les sommets se perdaient dans la brume. Tout en bas, le jeune roi distingua une inscription dans la roche : « La clé est en haut ».
- Je m’en doute, se dit il.
Et il se remit en route.
Pendant ce temps là, à un autre emplacement, le prince Wilrick se préparait également à gravir la montagne. Son ascension fut douloureuse et lui coûta de nombreuses écorchures. Lorsqu’il atteignit le sommet, il découvrit avec horreur cette nouvelle inscription : « La porte est en bas ».
- Des esprits malins se jouent de moi ! s’écria le prince Wilrick. Si je dois dilapider ma force et mon énergie, ce ne sera pas ici !
Sur ce, il redescendit et retrouva tout seul le chemin de son royaume. Il s’engagea alors dans une quête plus à son goût, brûlant d’aller vaincre l’intendant d’Abgral, de délivrer le peuple et de combattre jusqu’à la mort. Telle fut sa volonté et telle fut son action...

Le roi Gwendorn, ayant atteint le sommet de son côté, vit la même inscription que Wilrick mais ne s’en alarma pas.
- Soit, dit il. Si la porte est en bas, trouvons déjà la clé en haut.
Or, le sommet de la montagne semblait désert. Rien n’y était dressé ou construit de mains d’homme. Seules d’étranges fleurs bleutés y poussaient miraculeusement. Gwendorn cueillit l’une d’entre elles et la fixa à sa ceinture.
- Voilà la clé, j’en suis certain, pensa t’il en lui-même.
Puis il redescendit prudemment et trouva sans surprise une petite porte nichée en bas de la montagne.

Au même moment, le chevalier Jérès poursuivait un chemin et un raisonnement semblables à ceux du roi, mais ils ne se rencontrèrent pas.

Lorsque le roi Gwendorn tendit délicatement la fleur vers la petite porte, cette dernière s’ouvrit toute seule, et une voix mystérieuse raisonna dans l’obscurité.
- Il y a une autre porte après celle-ci, dit la voix. Garde précieusement la clé.

Gwendorn commença à s’irriter de tous ces contretemps mais il s’engagea à l’intérieur. Un petit escalier s’enroulait au cœur de la montagne, et le roi fut surpris de voir qu’il ne montait pas vers le sommet mais descendait toujours plus bas sous le niveau du sol. L’air devenait de plus en plus lourd et de plus en plus noir. Le roi douta alors d’avoir pris le bon chemin.
- Mais je ne peux plus faire marche arrière, répéta t’il en lui-même. J’aime mieux mourir que d’abandonner sans avoir vu la porte.

Soudain, une lumière vive jaillit dans les ténèbres et Gwendorn se retrouva face aux portes d’Oltarion : deux portes massives, ornées de fleurs d’acier.
Le roi voulut saisir la fragile petite clé qu’il avait fixée à sa ceinture, mais il s’aperçut à cet instant que la fleur s’était flétrie. Une colère glaciale envahit le jeune homme et il lança alors des paroles d’amertume dans le silence du souterrain.
- Il était impossible de garder la fleur en vie ! s’écria douloureusement le roi.
Mais nul ne répondit et il s’en retourna sans un mot à l’extérieur de la montagne. Il marcha comme un somnambule et traversa tout seul les bois et le désert avant d’atteindre son royaume. Là, il apprit que Wilrick était mort en combattant aux côtés des rebelles d’Abgral.
- Il a réussi à chasser l’intendant, raconta Aurora, mais les groupes rebelles se battent maintenant entre eux pour la suprématie. La guerre n’a pas de cesse.
- Ce monde est absurde, répondit Gwendorn. Quant à Oltarion, c’est une cité maudite. Une  illusion cruelle…
Peu de temps après son retour au palais, Gwendorn mourut de désespoir. Ce fut alors à Aurora que revint le royaume.

 

 


                                                                   VI

Lorsque le chevalier Jérès se retrouva à son tour aux portes d’Oltarion, il n’avait plus dans la paume qu’une petite fleur fanée mais il avança sereinement, la main grande ouverte.
Les portes s’ouvrirent aussitôt devant lui et Jérès pénétra dans la divine cité.
Au-delà des merveilles de l’architecture et des splendeurs ornementales, Oltarion rayonnait surtout d’une lumière mystérieuse qui pénétrait les cœurs et transfiguraient les esprits. Ainsi en fut il du chevalier Jérès. En s’avançant dans la cité, il se sentit si clairvoyant qu’il lui sembla reconnaître chacun des habitants, comme s’il venait de retrouver sa famille ou ses amis après un long voyage. L’harmonie était si parfaite qu’il aurait pu ne pas s’apercevoir de l’absence de ses compagnons de route…

Un jour, pourtant, il mentionna le roi Gwendorn et s’étonna de ne pas le voir en ces lieux. On lui répondit que jamais cet homme n’avait osé entrer dans la cité et qu’il était amèrement rentré dans son royaume.
Jérès en fut profondément attristé et se souvint alors des paroles qu’il avait prononcées dans la forêt, avant que leurs chemins ne se séparent : « Que le premier à atteindre Oltarion vienne en aide aux suivants ». C’est pourquoi il choisit de quitter la merveilleuse citadelle et d’apporter son message d’espérance à Wilrick et Gwendorn.

- C’est une intention honorable, lui dirent les habitants d’Oltarion, mais hélas, nous avons appris que mieux valait nous taire lorsque nous retournons dans le monde. Tu t’en rendras compte par toi-même. Tes paroles apporteront plus de trouble que de réconfort, car chacun est seul face à Oltarion jusqu’à ce qu’il y pénètre.
- Je ne laisserai pourtant pas mes anciens compagnons dans l’ignorance, répondit le chevalier.
Puis il reprit la route du royaume de Gwendorn.

Plusieurs années s’étaient écoulées lorsqu’il revint sur ces terres car la notion de temps était toute différente en Oltarion. Le chevalier Jérès ne tarda pas à comprendre qu’il s’agissait désormais du royaume d’Aurora. Une profonde douleur le traversa à l’idée que Gwendorn et Wilrick étaient morts, mais il n’y avait pas d’autre explication.
Quoiqu’il n’eût plus de compagnons de route auxquels venir en aide, Jérès décida quand même de se rendre auprès d’Aurora à laquelle il était tendrement lié depuis l'enfance.

Lorsqu’il entra dans la salle du trône, la reine hésita longtemps avant de le reconnaître.
- Chevalier Jérès, murmura t’elle. Est il possible que ce soit toi ?
- C’est moi, répondit il en s’agenouillant devant la souveraine.
- Si tu n’as pas péri au cours de cette maudite quête, où étais tu passé pendant toutes ces années ? demanda t’elle alors.
- J’étais en Oltarion, dit il.

A ces mots, Aurora se leva de son trône et pâlit brusquement. Une colère froide sembla remplir le corps de la jeune femme.

- Comment oses tu proférer de tels mensonges ici même ! s’exclama t’elle sèchement. Oltarion n’existe pas ! Sache que mes frères sont morts pour découvrir cette vérité. Qui es tu pour prétendre avoir atteint ce lieu ? Es tu plus fort que Wilrick ? Es tu plus grand que Gwendorn ?

Le chevalier Jérès vit que la reine tremblait de douleur et de rage. Il comprit sa réaction, s’inclina devant elle et se prépara à sortir.
- Attend ! s’écria t’elle. Ne quitte pas le royaume. Il se peut que je veuille t’interroger sur certaines choses.
- Je reste à te disposition, Reine Aurora, répondit le chevalier.
Sur ce, il alla séjourner dans une auberge de village comme un simple voyageur.

 

                                                                  VII

Depuis la mort de ses deux frères, Aurora avait entrepris de faire construire une tour immense en leur mémoire. La jeune reine avait souhaité que cet édifice soit le plus élevé de tout le royaume, à l’image d’un phare aux yeux des marins égarés. Cette tour d’albâtre avait acquis un grand prestige de par les connaissances qui y étaient entreposées. Des sages et des savants de toutes sortes y rédigeaient des manuscrits sur les dangers d’Oltarion. En vérité, la tour d’albâtre était destinée à détourner les hommes de cette quête.

Quelques jours après la visite du chevalier Jérès, Aurora souhaita lui montrer la tour et se confronter à lui. Le jeune homme obéit à l’invitation de la reine et se rendit avec elle au pied de l’édifice.
- J’ai une question à te poser, dit la reine, mais avant ça, je veux que tu voies la tour d’albâtre que j’ai élevée en souvenir de mes frères. Je l’ai construite pour que les hommes ne tombent plus dans les pièges d’Oltarion. Gwendorn m’a décrit l’horrible chemin qui mène à ses portes, et c’était pure folie que de le lui suivre pour rien. Après ça, oseras tu encore me dire que tu reviens d’Oltarion ?
- Oui, j’en reviens, répondit sincèrement Jérès.
La reine pâlit à nouveau mais elle garda son calme.
- Quelle preuve as-tu ? demanda Aurora.
- Il n’y a pas d’autre preuve que ma présence ici, dit le chevalier.
- C’est bien peu, répliqua la reine. Néanmoins, je te croirai si tu me racontes fidèlement ton périple. Dis moi quels furent les lieux que tu as traversés, combien il y eut de portes et quelle était la clé.
- Il y eut d’abord un désert de cendre, répondit le jeune homme. Ensuite, il y eut une forêt dans laquelle notre armée se dispersa, puis une montagne à gravir et à redescendre. Avant d’arriver aux portes d’Oltarion, il fallut encore passer une autre petite porte en bas de la montagne. La clé était une simple fleur…
En entendant à nouveau ce récit, Aurora ne put empêcher quelques larmes de rouler sur son visage.
- Mais alors, reprit elle, tu dois savoir que cette fleur s’est flétrie dans les mains de Gwendorn. Malgré tous les efforts qu’il a fournis, il a dû s’arrêter aux portes d’Oltarion. N’est il pas inhumain de l’avoir traité ainsi ? N’y avait il pas des gens de l’autre côté ? Ne devaient ils pas lui ouvrir malgré tout ? Même si cette cité existe, elle ne vaut pas la peine qu’on prend pour la trouver. Reçois plutôt les clés de la tour d’Albâtre ; ce lieu là est réel, et tu enseigneras aux hommes un chemin sûr et raisonnable. Si tu ne le fais pas pour moi, fais le pour Wilrick et Gwendorn. Je sais que l’ancien roi n’avait pas d’ami plus loyal que toi.
Le chevalier Jérès fut à la fois touché et peiné de ce discours.
- Aurora, dit il, je te supplie de ne pas m’inciter à faire ou à dire des choses que je ne crois pas. Et ne me demande pas de les faire par amitié envers Gwendorn. Lui-même a déjà bien souffert de ce genre d’alliance en souvenir d’un défunt… Je sais que la tour d’albâtre est née d’une noble intention, mais elle ne fera que brouiller les pistes plutôt que d’aider les hommes. Quant à la fleur flétrie, elle avait encore le pouvoir d’ouvrir les portes. C’est Gwendorn qui n’a pas cru en elle. Il n’avait pourtant plus qu’à faire un pas.
- Refuses tu de devenir le seigneur de la tour ? demanda Aurora avec dureté.
- Ne me mets pas en position de te refuser quelque chose, répondit Jérès. Veux tu donc que j’enseigne des mensonges aux hommes pour leur éviter une route trop pénible ?
- Rentre chez toi ! lança soudain la reine. Je ne te demande plus rien. Retourne dans ta cité idéale et ne dis à personne d’où tu viens, car ta victoire fait honte à mes frères.

Le chevalier Jérès comprit alors pourquoi les habitants d’Oltarion l’avaient mis en garde. Néanmoins, il attendit patiemment qu’Aurora soit en mesure de voir et de comprendre la cité par elle-même.
- Je t'attendrai, ma Reine, pensa t'il en lui même. Et je guiderai tes pas...
 Il resta donc auprès d’elle sans qu’elle se doute de sa présence. Il demeura toujours fidèle et silencieux jusqu’au jour où la reine disparut du royaume sans qu’on puisse l’expliquer.

Quand elle réapparut, elle reprit ses devoirs conformément aux jours passés, mais le chevalier Jérès put enfin se réjouir parce qu’Aurora avait accompli la totalité du voyage et qu’elle était elle-même devenue une habitante d’Oltarion, de ceux qui vivent dans le monde sans que le monde sache d’où ils viennent.

 

 

 

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